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Au cœur des Tian Shan, sur les traces d’Ella Maillart


Voici enfin, avec beaucoup de retard, le dernier article de ce blog pour cette année.

Notre dernière virée en montagne a pour but d’aller au bout de la piste qui s’enfonce dans les Tian Shan, le plus loin possible, pour explorer les régions les moins fréquentées au pied des hauts sommets couverts de glaciers. C’est cette région qu’explorent – à cheval – Ella Maillard et ses co-équipiers en 1932.

A l’emplacement de l’observatoire météorologique où ils ont fait escale, aujourd’hui la montagne est défoncée par l’immense mine d’or de Kumtor, exploitée par une société canadienne. Cette mine est tristement célèbre car à plusieurs reprises des camions chargés de produits hautement toxiques se sont renversés dans la rivière (conducteurs bourrés et trop pressés), empoisonnant les populations et le bétail jusqu’au lac Issykul. Cette mine a une importance capitale pour le pays puisqu’elle assure plus de 12% de son PIB et 50% des exportations. Du coup, la route d’accès est très bien entretenue, et les premiers kilomètres de la vallée de la Barskoon attirent de nombreux touristes venant visiter des cascades. C’était la région où Youri Gagarine venait en villégiature, il a donc plusieurs bustes plus ou moins réussis à son effigie au pied des cascades… Trop de monde à notre goût, pas super intéressant, nous ne nous y arrêtons pas.

Sous un pont sont accrochées plusieurs têtes de chevaux… bizarre! un fétiche?

Les déblais fluants de la mine d’or de Kumtor

Près de la mine, on aurait bien aimé aller voir le lac Petrov mais on nous refuse gentiment mais très fermement l’accès. Après le poste militaire de Kara-Say et une interminable discussion avec les militaires qui veulent garder les originaux de nos permis frontaliers, nous continuons vers l’est pour un détour vers le col d’Ishigart puis pour rejoindre le hameau de Akchirak au bout du monde. Les paysages sont de fantastiques déserts d’altitude dominés par des glaciers majestueux. On croise de troupeaux de gazelles et de moutons de Marco Polo, des marmottes et des lièvres.

La piste est curieusement très bonne, et on tombe sans surprise sur une autre mine (encore de l’or) exploitée cette fois par les Chinois. Les locaux profitent des retombées de la mine : les hameaux d’Akchirak et d’Uch Koshkon sont alimentés en électricité, chaque « maison » a un compteur et même un lampadaire même si certaines sont à l’état de ruine.

Nous franchissons une limite géographique majeure : alors que les eaux de la Taragay et de la Kara Say se jettent dans la Naryn et rejoignent – ou plus exactement rejoignaient – la mer d’Aral, celles de l’Ak Shirak vont se perdre en Chine dans les sables du désert du Tarim. Dans tous les cas, aucune rivière de cette région n’arrive dans un quelconque océan. Ak Shirak dans les années 30 est un hameau constitué d’un groupement de tentes. « L’une des yourtes est la coopérative où on vent de la viande d’ours à 50 kopecks le kilo. Mais l’ours n’est plus frais, personne n’en veut, le chasseur a trop attendu avant de le céder après avoir essayé de le vendre lui-même » raconte E. Maillart.

Sur les chemins des cols alentours, « on ne fait pas cinquante mètres sans voir des côtes, des sabots, des vertèbres de cheval… des crânes de chevaux apparaissent à ensablés ». Ces montagnes ont en effet été utilisés comme voie de passage vers la Chine où les nomades ont fui avec leurs troupeaux en 1916 lors de Urkun (exode). Les Russes voulaient enrôler de force dans l’armée les Kirghizes qui se révoltèrent. 400 000 furent massacrés, des milliers d’autres ont fui ou tenté de fuir par les montagnes en direction de la Chine. Malheureusement, c’était l’hiver, et de nombreuses bêtes et hommes sont morts de froid et d’épuisement sans arriver à atteindre leur but. Eux qui y parviennent ne furent pas accueillis avec bienveillance par les Chinois qui n’avaient aucune affinité avec ces peuples musulmans turco-mongols et qui leur volèrent leur bétail. Ayant tout perdu, nombreux ont voulu retraverser les montagnes pour rentrer chez eux mais là encore des milliers périrent de froid. Ceux qui y sont parvenus ont évidemment retrouvé en rentrant les Russes et leurs représailles.

Aujourd’hui ces ossements ont bien évidemment disparu, mais on découvre de nombreuses tombes et tumulus isolés dans la montagne. Certains sont visiblement beaucoup plus anciens que le début du 20e siècle, mais d’autres pourraient correspondre à cette période.

On tente la boucle de notre itinéraire K11 par le hameau de Pikertik, sur une piste défoncée (et dans des paysages extraordinaires) mais on est arrêtés par un gué pas très engageant. La météo est mauvaise pour le lendemain, Cécile doit prendre l’avion pour rentrer en France le surlendemain… on décide de faire demi-tour plutôt que de tenter le diable. Le retour sous la pluie est la neige est un peu pénible car les pistes sont devenues des patinoires.

Du coup, on est bien contents de retrouver les bords du lac Issykul, la chaleur et le soleil pour un dernier magnifique bivouac dans les roches rouges d’un très beau site encore très peu fréquenté, un lieu qu’il faudra ajouter dans la nouvelle version (en Anglais) du « Kirghizstan – Tadjikistan, les plus beaux itinéraires ».

Voilou, c’est fini pour cette année. L’un de nous deux reste encore quelques semaines pour explorer le Tadjikistan à moto, l’autre rentre travailler, pas besoin de préciser qui 😉

Merci de nous avoir suivi et à l’an prochain pour de nouvelles aventures !

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