Petit retour sur la sortie de Russie. Barnaul est la dernière grande ville que l’on a traversée, et comme dans chaque ville russe il y a pléthore de « remont » et « garaj », c’est à dire de petits garages qui s’occupent de remettre en état les épaves soviétiques et même les bagnoles japonaises toutes neuves. On en voit d’ailleurs de plus en plus qui viennent directement du Japon, car elles ont la conduite à droite. En effet, à partir d’ici on est plus près du Japon que de l’Europe, et donc les occasions sont moins chères à faire venir depuis là-bas.
On s’arrête quand même au concess’ Toy du coin, un grand bâtiment tout neuf qui vend exactement les mêmes voitures que chez nous. Aucun intérêt, donc, on leur prend juste un filtre à huile – il est plus simple de trouver la bonne référence ici que chez des indépendants. Ensuite on se dirige vers un de ces ateliers qui semble à peu près bien tenu, on se présente à la réception, on choisit son huile (Mobil 10w40, pas de 15w40 chez eux) et hop! une demie-heure plus tard c’est réglé.
On en profite pour faire le plein d’eau également (pour la douche, pas pour le moteur), car il n’est pas toujours évident de trouver un tuyau par ici. On repart ensuite en direction des montagnes mais comme la traversée de Barnaul, la vidange et la pause shashlika (brochette) ont pris un peu de temps, on fait un dernier bivouac-moustique dans un champ. On essuie un orage pendant la nuit, mais rien de grave.
C’est le lendemain qu’on entre effectivement dans l’Altaï, qui est une chaîne de montagnes qui culmine vers 4000m. Comme vous avez pu le lire auparavant, Cécile respire de voir enfin du relief. La route prend progressivement de l’altitude et – grande nouveauté – on voit des touristes. Pas des cars de Japonais, quand même, faut pas pousser, mais pas mal de Russes, car l’Altaï est renommé dans toute la Russie pour ses paysages magnifiques. C’est vrai que c’est beau, mais surtout pour les Sibériens, voire pour les Bretons ; pour les Suisses, c’est quand même assez semblable aux Alpes.
Malheureusement, le temps vire aussi à la pluie ; de fait, vu la végétation, il doit souvent pleuvoir par ici. A Gorno-Altaïsk, la capitale régionale, on fait un petit détour en ville pour essayer de trouver le bureau du FSB (ministère de l’intérieur, ex-KGB) pour confirmer qu’ils ont bien reçu notre demande de permis qu’on avait envoyée par e-mail avant le départ. On avait l’intention de prendre une petite piste qui part en direction de Tuva, mais comme elle passe à moins de 50 km de la frontière mongole, il faut obtenir une autorisation. On tourne en rond sans trouver l’endroit, les locaux ne nous aident pas et Google Maps non plus, donc on décide de continuer et passer au FSB de Kosh-Agatch, près de la frontière (ce qui s’avérera être une mauvaise idée).
La route est relativement longue, quoiqu’en bon état. On passe d’une vallée à l’autre et on longe de très jolis pâturages. Cécile est très excitée parce qu’on passe dans une particularité géologique très rare, qu’elle a d’ailleurs déjà décrit sur une autre page. C’est plutôt sympa de se promener et d’imaginer comment pouvait être le paysage il y a 10’000 ou 20’000 ans. On continue à grimper et on quitte progressivement les paysages verdoyants pour des prairies plus arides. Il se fait tard et il faut régler un autre problème : notre batterie auxiliaire qui est méchamment à plat (tout ça pour pouvoir se laver les cheveux à l’eau chaude… tss, tss!). En principe, c’est très mauvais de les laisser se décharger jusqu’à 6 volts, et d’ailleurs cela déclenche une alarme sur le coupleur-séparateur de batterie quand on redémarre le moteur (et après que je l’aie remis dans le bon sens… hem). Mais c’est une bonne batterie, on a bon espoir de la ressusciter. On s’arrête à Aktash et on trouve un petit garage qui accepte de brancher notre batterie sur son chargeur. Il tique un peu en voyant le voltage, en principe les chargeurs ont une sécurité et refusent de charger une batterie en-dessous de 10 volts. Mais non, son vieux bidule envoie 10 ampères, donc on est sur la bonne voie. Ils nous dit de revenir dans une heure, et comme il commence à faire nuit (et un froid de canard), on décide de chercher un hôtel dans le bled. En revenant plus tard, la batterie est à 11 volts, donc elle n’a pas souffert.
C’est l’occasion idéale de faire découvrir à Cécile le principe du « banya », le sauna local. Tous les hôtels par ici se doivent d’offrir le banya et celui qu’on trouve ne fait pas exception. C’est même le seul endroit pour se laver puisque le bâtiment tout neuf n’a pas (encore ?) prévu de douches ni d’eau chaude. Le banya est une petite cabane à part, entièrement en bois à part l’emplacement pour le poêle. On entre, on se déshabille et on passe dans la deuxième pièce où il fait déjà nettement plus chaud. Là on a de l’eau chaude et froide à disposition pour se laver ou se rincer. Une troisième porte donne accès au sauna lui-même, où on est sensé de faire suer avant de se refroidir à l’eau glacée. C’est un peu trop chaud pour Cécile qui préfère profiter de l’eau chaude dans la « salle de bain » (pfff… quelles mauviettes ces Marseillais !). Mais qu’est-ce que ça fait du bien.(non, non, désolé, pas de photos !)
Le lendemain, Cécile nous fait sortir de piste et me raconte l’histoire des petites collines, qui donc ont été formées au fond d’un lac lorsqu’il s’est vidé brusquement (si j’ai bien compris). Puis nous arrivons dans l’après-midi dans la dernière ville avant la frontière. On trouve cette fois un local typé mongol (on est toujours en Russie mais ils ont tous le type mongol et parlent le mongol) qui nous donne la direction du FSB. C’est un grand complexe de bureaux et d’immeubles d’habitations entourés de murs et de barbelés. On essaie de se faire comprendre à l’interphone mais la barrière de la langue fait qu’on attend bien 20 minutes que quelqu’un vienne au portail et qu’on puisse leur montrer le formulaire que l’on avait envoyé. Finalement le message a l’air de passer et on nous amène dans le bureau où on remplit les demandes. Les employés sont assez sympathiques et essaient de nous aider, ils dénichent même un petit jeune qui baragouine 3 mots d’anglais, c’est inespéré.
On arrive à leur faire comprendre qu’on a déjà envoyé un formulaire par e-mail mais visiblement à la mauvaise adresse parce qu’ils n’ont rien reçu. Le gars me montre alors sur le mur une affiche avec l’adresse e-mail du bureau… sauf que c’est pas la bonne non plus ! une fonctionnaire nous dit « niet-niet » et part chercher le renseignement. Elle revient 10 minutes après, en nage, et commence alors un conciliabule à trois pour essayer de retranscrire l’adresse en caractère latins (les adresses e-mail et de site internet russes s’écrivent normalement en caractères latins, et non pas cyrilliques). Ils ont bien du mal mais arrivent à un consensus – qu’on refilera aux suivants s’ils désirent obtenir le fameux permis. Quand à nous, ils nous faudrait attendre 20 jours.. mais peut-être que demain c’est possible, nous dit le petite jeune, après qu’il en aura parlé avec son chef. Ca nous parait suspect, mais pourquoi pas tenter le coup ? De toute façon il est trop tard pour passer la douane ce soir. Il faut repasser demain matin vers 10h.
Ok. On décide donc d’aller nous poser un peu plus loin, au bout de la plaine là où commencent le montagnes. On roule un moment et on tombe sur un check-point de l’armée. Et oui, on est déjà dans la zone des 50km, donc dès qu’on sort de la route principale il nous faut un permis. Devant nous sont arrêtées deux camionnettes et un mec au look de trekker qui est en train de bouffer une tartine en attendant. Quand il voit nos plaques il s’approche et nous salue en français. On a à peine le temps de lui demander ce qu’il fait par ici quand Cécile sursaute de son siège : elle vient de reconnaître un collègue à elle qui sort de la camionnette ! 8000 km de route et on tombe sur des géographes en mission dans l’Altaï..! gros fous rires et séance de photos avant qu’on se fasse rabrouer par les militaires. On rebrousse chemin et on se pose au milieu de la plaine à l’abri d’un gros bloc erratique. On avait à peine commencé l’apéro qu’on se fait de nouveau déloger par une patrouille. On redescend alors la route principale sur quelques kilomètres pour se planquer non loin derrière une butte.
Le lendemain, on retourne au bureau de nos amis de la securitate, enfin du FSB. Là, pas moyen de franchir le portail, on nous laisse moisir dehors pendant une heure. On décide alors de se faire une tasse de thé avec deux routards français complètement paumés qui essaient également d’obtenir ce fameux permis. Enfin, la fonctionnaire avec qui on avait « parlé » hier arrive et nous dit de revenir à 15h30. Ca nous arrange pas trop parce que ça nous fait perdre carrément une journée. Mais puisqu’on est là… et qu’il y a de la 3G sur notre téléphone, on fait un peu de blog et d’internet. Puis je cuisine des röstis sur le parking, fallait bien ça pour nous redonner des forces. Finalement, le big boss arrive vers 16h et peu après le petit jeune arrive et nous annonce que c’est définitivement « niet » : il faut impérativement un délai de 20 jours. Bon, le permis c’est pas si grave, on trouvera d’autres pistes sympa, mais perdre une journée pour ça… On repart en trombe en direction de la frontière et pour essayer de passer avant la fermeture. On arrive un peu avant 17h, mais bloqués par une file de 14 voitures. Qui n’avancent pas du tout. On comprend que la douane ferme et que plus aucune voiture ne passera aujourd’hui. Hors de question de bouger et perdre sa place, d’autres voitures s’entassent déjà derrière nous.
Nos voisins partent à pied chercher une chambre dans le seul (?) hôtel du patelin paumé qui jouxte les bâtiments de la douane. Vu le nombre de personnes qui attendent, la plupart ne trouveront pas de place et devront passer une nuit glaciale dans leur voiture. Nous on a les matelas à l’arrière et les sacs de couchage, donc on passe une très bonne nuit. Le lendemain on remarque que la queue fait maintenant au moins 50 voitures. On fraternise avec un Kazakh prof d’anglais qui retourne voir la famille en Mongolie. L’ouest de la Mongolie est peuplé de Kazakhs et beaucoup ont émigré lors de l’indépendance du Kazakhstan pour chercher du boulot. Ils reviennent en général pour le nadaam, la fête nationale, qui est dans 3 jours. Ceci explique l’afflux inhabituel de voitures.
Le lendemain matin, lorsque la douane ouvre, les douaniers russes mettent les bouchées doubles et notre tour arrive relativement vite. Par contre il n’y a qu’une douanière à l’immigration et on se les gèle grave en attendant se faire tamponner le passeport. On appréhendait un peu la fouille du véhicule mais tout se passe très vite, ils demandent juste d’ouvrir un coffre à l’arrière et d’enlever la bâche de la tente. Après 3/4 d’heure on peut repartir pour les quelques kilomètres qui séparent la douane russe de la douane mongole. Entre deux, au col, la frontière physique est marquée par une grille et… la fin du goudron ! Welcome to Mongolia !
En descendant sur la douane mongole, on se fait d’abord alpaguer par le point de désinfection ; erreur de débutant on aurait dû la jouer au bluff et passer à coté comme les autres. Mais bon, le gars nous gicle les pneus de je-ne-sais-quoi et on passe à la caisse : 1000 tögrögs (50 centimes) ou 100 roubles pour les touristes qui n’ont pas de monnaie locale (1,5 €). Bon petit bénéf pour le gars et avertissement pour nous : on n’est pas dans le coup !
La douane mongole est beaucoup plus chaotique que chez les Russes, ils en oublient même de regarder dans notre voiture. On s’y perd un peu, mais on arrive finalement à (dans l’ordre): passer l’immigration, obtenir un permis pour la voiture, changer de l’argent et acheter une assurance. Tout compte fait, il nous aura fallu deux heures et demie pour passer les deux douanes. En plus, pour se venger du passage en désinfection, on a fait de nouveau descendre la cylindrée de notre voiture à 2100 cc, c’est toujours ça de gagné sur le prix de l’assurance. Mais c’est pas fini, 100 mètres après la douane, nouvelle barrière, cette fois pour une taxe routière. Le mec commence par me donner un prix en rouble, environ 8€ ; pas deux fois, l’ami, donne-moi plutôt le prix en monnaie locale : 5,5€. Ok, bien essayé.
Pour fêter notre entrée en Mongolie, on s’arrête immédiatement pour manger nos premières bouses, enfin, des « buuz », des raviolis mongols fourrés à la viande de mouton. Pas mal du tout (bien sûr, faut aimer le mouton, mais si ce n’est pas le cas il ne faut pas venir en Mongolie !).