La douane de Shalamcheh, à l’extrême sud-ouest de l’Iran, et le point d’entrée le plus facile pour visiter l’Iraq. En effet, on y obtient très facilement un visa sur place, valable 60 jours, ce qui n’est pas évident pour ce pays ouvert depuis peu au tourisme.
Il faut bien comprendre que depuis la première guerre du golfe, l’Iraq est partagé en deux entités: le Kurdistan au nord est administré de manière indépendant par les Kurdes, sans pour autant être reconnu comme pays indépendant. Cette partie du pays n’a jamais été sous l‘emprise de Daech, contrairement au sud. Et lorsque Baghdad et les environs étaient proie aux diverses milices armées, le Kurdistan était relativement sûr. Au point où les Kurdes ont mis en place un système de « visa » qui couvre uniquement le Kurdistan. On pouvait donc depuis longtemps visiter Erbil, Dohuk et Suleimanieh depuis la Turquie, alors que le sud était interdit aux touristes.
Le problème est, alors que depuis 2 ans le sud du pays est redevenu sûr, les Kurdes continuent à vendent leur propre visa, et refusent d’offrir un visa « fédéral », qui couvre l’entièreté du pays. Et comme les ambassades iraqiennes en Europe refusent de fournit un visa touristique (pour quelle raison ?), l’entrée par la Turquie donne dans un cul-de-sac. Tout au plus peut on passer en Iran, sinon il faut revenir en Turquie.
Pour contourner le problème, certains voyageurs ont trouvé une astuce: comme le visa est disponible à l’arrivée à l’aéroport de Baghdad, ils ont laissé leur véhicule à Erbil, embarqué sur un vol intérieur vers Baghdad, acheté leur visa, pour ensuite revenir chercher leur voiture, munis du précieux visa. Non seulement c’est une perte de temps et le billet a un certain coût, mais en plus il est théoriquement impossible de prendre l’avion en laissant son véhicule dans le pays: le conducteur reçoit un tampon supplémentaire dans le passeport afin de l’empêcher de revendre son véhicule. Heureusement, avec un peu de persuasion et l’aide de la police locale, le truc a réussit à plusieurs personnes notamment des motards français rencontrés sur la route.
Une autre solution était de se rendre à l’ambassade iraqienne d’Ankara, et après quelques paperasserie, recevoir un visa en bonne et due forme. Mais il semble que cette porte se soit également refermée.
Toujours est-il qu’en provenance d’Iran on ne rencontre aucun de ces problèmes. Le plus dur est juste de trouver la bonne personne à qui parler pour faire tamponner son Carnet de Passage (obligatoire) et obtenir le permis de circuler. Alors que les Iraniens ont construit des bâtiments en dur pour l’immigration et les douanes, du coté iraqien c’est beaucoup plus sommaire: il faut aller se perdre dans un village d’algecos (préfabriqués) pour trouver le bureau du préposé aux carnets.
Tout cela prend bien 2 heures, mais sans réel obstacle. Beaucoup de voyageurs qui sont encore un peu effrayés à l’idée de passer par l’Iraq choisissant de rejoindre immédiatement la frontière koweïtienne, distante de 75 km. Mais cela fait cher (env. 77$ pp pour le visa et 50$ pour la voiture) pour passer juste 2 ou 3 heures dans le pays. Pour une famille de 4, comme j’en ai croisé, la passage par l’Iraq revient donc à plus de 300€, mais cela reste toujours moins cher que le ferry d’Iran aux Emirats.
De mon coté, je compte bien visiter le plus possible ce qui peut l’être, ce n’est pas tous les jours qu’on peut se rendre dans ce qui était l’ancienne Mésopotamie, le berceau de la civilisation. C’est ici qu’a été inventée l’écriture et qu’on a fondé les premières villes. Même si les sites archéologiques ont bien soufferts (surtout de la guerre, mais également de l’extension des villes actuelles et des erreurs des premiers archéologues). De plus, le pays est resté très authentique dans son mode de vie arabe. Les pays du golfe sont très différents sur cet aspect.
Je passe donc une première nuit à Basrah (Bassorah), après avoir cherché et trouvé: un changeur d’argent (l’Iraq est un pays où tout se paie en cash), une carte sim locale pour mon téléphone et un hôtel décent. La vie n’est pas trop chère, c’est une bonne nouvelle: une chambre correcte revient à 15-30€, un sandwich falafel moins d’1€. Et le diesel est à environ 0,30€, comme l’essence. La plus grosse dépense sera finalement les billets d’entrée pour les sites historiques et archéologiques: 15€ à chaque fois !
Le lendemain je pars vers le nord, en direction de Baghdad. L’autoroute principale est dégagée et sans souci, on traverse une zone désertique et d’extraction de pétrole, donc pas très intéressante. Par contre, dès que j’en sors et que je prends les routes secondaires, je dois passer par des checkpoints très fréquents. Avec mes plaques étrangères je suis systématiquement arrêté et je dois sortir mon passeport. Cela prend quelques minutes, avec moult questions posées en arabe, mais à chaque fois ça passe avec le sourire. A l’évidence, la paix retrouvée est encore un peu fragile. En fin d’après-midi je décide de tenter le bivouac sauvage au bord d’un bras de l’Euphrate. Méfiant, j’attends la nuit avant de déployer ma tente de toit. Et ça ne manque pas, des villageois qui rentrent leur troupeaux me repèrent et viennent me poser des questions (en Arabe). La région est semi-désertique mais très peuplée, grâce à la proximité du fleuve. Vu l’obstacle de la langue, ils repartent et comme je le craignais, la police arrive en force avec plusieurs véhicules une demi-heure plus tard pour me faire comprendre que je dois les suivre jusqu’à leur checkpoint. Pour pallier aux problèmes de communication, un policier en arme prend place sur le siège passager. J’ai nulle envie de repartir de nuit sur ces routes, donc je négocie de pouvoir dormir dans la voiture près de leur checkpoint (et donc au bord de la route très fréquentée par les camions !). Cela sera ma seule tentative de bivouac. J’ai réussi une autre fois à dormir dans ma tente dans le jardin d’une famille locale très accueillante, mais sinon j’ai pris des hôtels pendant les deux semaines de mon séjour.
Au sud de Baghdad, le pays est a majorité chiite. C’est là que l’on trouve les principaux lieux de pèlerinage pour les chiites: le mausolée d’Ali (beau-fils de Mahomet) à Najaf et d’Hussein (petit-fils de Mahomet) à Kerbala. Bien que n’étant pas croyant moi-même, le ferveur religieuse qui baigne ces deux endroits sont très impressionnants. Et aucun problème pour visiter ces lieux saints, même pour un non-musulman, contrairement à la Mecque.
Je fais un petit détour pour visiter la forteresse d’Al-Ukhaidir, qui date du 8e siècle, et qui a été bien reconstruite. Elle se situe sur la route directe d’Iraq à l’Arabie saoudite qui n’est ouverte qu’aux pèlerins qui se rendent à la Mecque, elle est fermée aux touristes étrangers. Et même pour atteindre la forteresse, j’ai du attendre que la police trouve une voiture et des policiers pour m’accompagner. Deux touristes américains arrivent également, donc on ne sera que 3 visiteurs sur le site, c’est le bon coté.
Le site mythique à ne pas manquer, Babylone, sera en fait une déception: il ne reste presque plus rien d’original, des murs énormes ont été reconstruits à partir de pratiquement rien, mais l’intérieur est désespérément vide. La fameuse porte d’Ishtar est une copie, l’original ayant été démonté et rapatrié à Berlin au début du 20e siècle. On peut penser qu’ainsi il a été à l’abri des déprédations lorsque le pays était en guerre, le raisonnement habituel appliqué également aux frises du Parthénon. Mais dans ce cas, l’original a également souffert pendant les bombardements de la 2e guerre mondiale !
Le plus intéressant, finalement, est la visite du palais que Saddam Hussein a construit en surplomb du site, et qui est maintenant abandonné.
Prochaine étape: Baghdad, et ensuite une boucle au nord jusqu’au Kurdistan en passant par Mossoul, avant de redescendre en direction du Koweït et de la péninsule arabique.