L’Altaï : l’origine du mythe du déluge ?
Après plus de 7000 km de route archi plate nous entrons enfin dans l’Altaï. Des montagnes, enfin ! La région est touristique, cela se comprend, les Russes ne vont pas aller en villégiature dans les marécages infestés de Sibérie, ils préfèrent venir faire du raft dans la montagne.
Nous faisons les touristes nous aussi, nous nous offrons un « bagna », un sauna dans une petite cabane en bois, eau chaude et glacée, ça réveille.
Nous remontons la vallée de la Katun, une rivière très large aux eaux grises et tumultueuses (c’est le moment de la fonte des neiges et des glaces en altitude). Cette vallée est très connue par les scientifiques en raison de son histoire extraordinaire : elle a connu des crues titanesques, peut-être les plus grandes connues à l’échelle du globe, des crues qui par cascade auraient pu atteindre la mer d’Aral, la mer Caspienne et la mer Noire et être à l’origine du mythe du Déluge. Vous allez dire que j’exagère car je suis marseillaise, mais c’est pas moi qui le dit, ce sont les géologues qui ont travaillé dans cette région. Alors, c’est vrai qu’une partie d’entre eux sont américains et que les américains adorent les scénarios catastrophe, puis c’est plus facile à publier, mais bon… ça n’empêche pas qu’il y a des choses extraordinaires à voir dans cette vallée.
Pour comprendre, là encore, il faut prendre du recul, voir les paysages d’en haut, et retourner dans le passé. A la fin de la dernière période glaciaire, il y a environ 15 000 ans, les montagnes de l’Altaï sont couvertes de glaciers qui s’écoulent depuis les plus hauts sommets jusque dans les vallées principales. En amont de la vallée de la rivière Katun, des grands lacs (en bleu sur le croquis) se sont formés, bloqués par les glaciers qui barrent la vallée principale.
Les chercheurs montrent que ces barrages de glace ont subitement cédé, provoquant la vidange des lacs et une vague de crue cataclysmique en aval. Cette vague a emporté des quantités énormes de sédiments avec elle (il faut imaginer une vague de boue), que l’on retrouve tout le long de la rivière. Ce phénomène s’est vraisemblablement reproduit plusieurs fois entre 30 000 et 13 000 ans.
Jusque-là, ça va, à part la taille gigantesque des crues, cela est concevable. Mais le plus incroyable, c’est que ces crues se seraient propagées en aval, jusque dans les grands lacs formés au contact des glaciers qui occupaient le nord du continent et dont je vous ai déjà parlé dans un précédent post. Ces lacs ont pu déborder au sud, par le col de Turgay, l’eau atteindre ainsi la mer d’Aral, puis déborder dans la Caspienne, puis vers la mer Noire. Les peuples vivant au bord de la mer Noire ayant dû déménager pour cause d’inondation, le mythe du Déluge était né…
Quelles sont les preuves de tout cela ? Sur le terrain, nous voyons le long de la vallée de la Katun, de très épaisses accumulations de graviers (dans lesquelles la rivière d’aujourd’hui s’est encaissée). Et surtout, nous allons nous balader dans le fond de l’ancien lac (à -600 m sous le niveau de l’eau), dans un champ de dunes formées par les courants au fond du lac. Imaginez que vous allez à la plage, sous vos pieds vous sentez de petites ondulations ? Et bien là c’est la même chose, sauf que ces rides de courant mesurent 3 ou 4 mètres de haut et qu’elles sont formées de gros galets car elles ont été formées par de puissants courants au moment de la vidange du lac. De temps en temps on trouve un gros bloc posé au milieu de rien : c’est un bloc apportés par les glaciers, qui a dérivé sur un iceberg, et qui a fini par tomber au fond de l’eau lorsque la glace a fondu.
Sur les bords de la vallée nous voyons les traces des anciens rivages, comme lorsque vous videz votre lavabo après avoir lavé de vieilles chaussettes sales : vous trouver les traces de la baisse progressive du niveau de l’eau.
Bon, de là à en faire des crues diluviennes… cette théorie est quand même largement discutée. Pour ma part, je vois surtout de belles formes glaciaires, mais bon, pas de polémique, je suis en vacances et je savoure la chance inouïe que j’ai de pouvoir découvrir des paysages aussi fabuleux.
Le temps n’est malheureusement pas avec nous. Nous faisons quelques images des dunes du fond du lac glaciaire entre deux averses. Nous reviendrons dans la région d’ici un moi ou à l’automne, en espérant que cette fois il fasse beau !
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Les vues du ciel sont magnifiques 🙂
On dirait des ripple marks (comme à Oman ou au sud du Maroc) mais à une autre échelle.
bises à vous
Très beau post et incroyables paysages, ça donne envie!