Au nord de Baghdad, et jusqu’au Kurdistan, l’Irak est plus sunnite que chiite, et c’est là que l’Etat Islamique (Daesh) a créé son califat. Il faut se rappeler que Daesh est le produit de l’insurrection iraquienne de 2003-2006 quand l’Irak, occupé par les Américains, était à feu et à sang. D’ailleurs, Fallujah et Samarra, bien connus pour avoir été des bastions des rebelles iraquiens, sont toujours très fortement policées et les étrangers n’y sont pas forcément les bienvenus.
Entre 2014 et 2018, Daesh contrôlait un grande part du territoire situé entre Baghdad et le Kurdistan, et notamment Mossoul, qui est tombé en 4 jours et a provoqué la fuite de 500’000 habitants, dont beaucoup ne sont pas rentrés. La reconquête de Mossoul en 2016-2017 a pris 9 mois et a détruit une grande partie de la ville.
Je pars donc vers le nord, avec comme premier objectif Samarra et son célèbre minaret en spirale. Je passe un premier pont (la ville est située de l’autre coté du Tigre par rapport à la route) mais on me refoule: il faut emprunter un autre pont. Je reviens donc en arrière et prend l’autre route d’accès quelques kilomètres plus au nord. Après avoir passé sans mal un premier checkpoint, je suis stoppé et questionné au deuxième. Je dois leur laisser mon passeport en échange d’un badge pour pouvoir entrer en ville. Je passe des bus entiers de pèlerins qui viennent se recueillir dans cette mosquée où de nombreux saints chiites sont enterrés, et j’arrive devant le minaret. C’est seulement là qu’on m’annonce que le lieu est fermé aux visiteurs pour rénovation. Tout ça pour rien donc.
Je sais qu’il y a un autre minaret non loin sur la même rive du fleuve, mais je ne veux pas trop m’éloigner de mon passeport donc je reviens sur mes pas et sur la route principale. Pour contourner ce barrage, je dois remonter prendre un autre pont plus au nord, et revenir au sud en passant par plusieurs checkpoints, mais sans aucun souci. J’arrive finalement à mon objectif, Abu Dalaf, qui vaut largement la peine: une mosquée en ruine et abandonnée, sans aucune barrière ni gardien, qui est dominée par un très beau minaret en spirale, quoique penchant dangereusement: pas évident d’arriver au sommet quand on a le vertige.
Ce serait un coin de bivouac idéal mais je suis échaudé par mes expériences de camping sauvage. J’avais rencontré à Baghdad un motard qui m’a donné un contact dans la région, un Iraquien qui adore accueillir les voyageurs étrangers. Je l’avais contacté et il m’a dit que j’étais le bienvenu. C’est donc chez lui que je passerai la nuit, en compagnie de son beau-frère et d’un autre voyageur australien (à pied, lui). Le lendemain, je visiterai le village et les alentours avec lui, avant de repartir pour Mossoul.
Un autre de mes objectifs est de visiter la magnifique cité antique de Hatra, probablement le plus beau site archéologique d’Iraq, qui n’a que récemment ouvert au public. Malheureusement, pour y accéder il faut avoir auparavant acheté un billet, et ceux-ci sont en vente à Mossoul uniquement, et nominatifs en plus (le numéro de son passeport doit être inscrit dessus). Cela veut dire un aller-retour de 200 km pour rien. Mais c’est là qu’intervient le système D des Iraquiens: mon hôte connait un gars de Mossoul qui est également très attaché à accueillir des étrangers pour leur faire visiter la ville. Il me met en contact avec lui, et celui-ci me propose d’acheter un billet pour moi et de le donner à un taxi qui me l’amènera à l’intersection de la route principale, là où un checkpoint vérifie les billets ! Incroyable serviabilité et gentillesse. Le lendemain, j’ai donc rendez-vous au checkpoint et grâce au téléphone et à WhatsApp je trouve mon chauffeur qui me donne le billet, qu’un inconnu a acheté pour moi – et que je rembourserai plus tard évidemment.
Je pars donc vers le site, éloigné de seulement 10 km de la route principale, mais il faut passer 3 checkpoints pour y arriver ! Toute la zone a l’ouest de la route principale Baghdad-Mossoul et jusqu’à la frontière syrienne est en effet réputée non sûre.
En arrivant, je remarque que je suis le seul touriste sur place.. uniquement rejoint 1/2h plus tard par 2 touristes chinois. Le site est magnifique, heureusement Daesh n’a pas dynamité les temples de style grec, et les statues avaient été auparavant déplacées au musée national de Baghdad (et elles y ont survécu). Hatra était la capitale d’un royaume mal connu coincé entre les empire romains et parthes, datant du 2e et 3e siècle de notre ère.
Il ne reste plus qu’à me diriger vers Mossoul et prendre une chambre dans un hôtel conseillé par mon correspondant. J’ai rendez-vous le lendemain pour une visite de la ville.