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Train fantôme

On part aujourd’hui sur les traces du chemin de fer du Hedjaz (du nom de la région), une voie ferrée construite par les Ottomans au début du 20e siècle pour relier Damas à Médine et emmener les pèlerins à la Mecque.

Ce chemin de fer a une histoire exceptionnelle, de par sa fonction religieuse et la brièveté de son utilisation. En effet, cette ligne à voie unique a été mise en service en 1908 et a fonctionné jusqu’en 1917 seulement, 9 ans plus tard! Elle a été abandonnée pendant la première guerre mondiale lors de l’effondrement de l’empire Ottoman.


Au départ la motivation pour construire cette ligne était religieuse, même si elle était aussi destinée à assoir le contrôle de la région par les Ottomans et à acheminer des marchandises pour le commerce. Elle a été financée pour partie par les impôts Ottomans et surtout par les dons des musulmans du monde entier. Grande réussite puisque le train a permis d’acheminer des dizaines de milliers de pèlerins vers la Mecque, plus rapidement, plus confortablement et pour moins cher. La vitesse et le confort étaient néanmoins assez relatifs : le train avançait à 15km/h sur certains tronçons et les passagers préféraient les wagons ouverts de troisième classe dans lesquels ils pouvaient s’allonger plutôt que les sièges de première classe séparés par des accoudoirs (la deuxième classe n’existait pas). Néanmoins, il ne fallait plus que 3 jours de train pour relier Damas à Médine, alors que les caravanes de chameaux mettaient 2 mois! Les récits de l’époque racontent que les militaires qui gardaient la voie s’occupaient en remplissant de sable coloré des petites bouteilles en verre et les vendaient avec grand succès aux pèlerins voyageurs, business is business !

Elle a été terminée à la va vite pour être achevée à Médine le 1er septembre 1908, jour anniversaire de l’accession au trône du sultan Abdul Hamid II. Les militaires qui effectuaient les travaux avançaient à la fin du chantier de presque 1km/jour mais en posant directement les rails sur le sable ce qui évidemment n’a pas duré dans le temps. La partie Médine -la Mecque n’a jamais été réalisé. Là où les travaux ont été faits dans les règles de l’art, les traverses en bois ont dû être remplacées par du métal car les locaux les volaient pour s’en servir pour les feux de camps.

Les traces de cette ancienne ligne sont encore bien présentes dans le paysage et dans la culture du pays.
A Hegra (qui était une gare importante à l’époque ottomane), un grand hôtel de luxe est actuellement en chantier. Il inclura l’ancienne gare et les vieilles locomotives. Du coup, on ne peut plus y accéder.
On décide de suivre la ligne vers le sud, en roulant directement sur l’ancienne voie puisqu’il n’y a plus ni rails ni traverses, ou juste à côté quand les crues des oueds l’ont détruite. On s’arrête pour explorer les anciennes gares abandonnées qui sont nombreuses (tous les 15 km environ). Elles permettaient de sécuriser le train qui traversait des régions dangereuses et qui était souvent attaqué par les Bédouins, voire par Laurence d’Arabie lui-même !

Les gares sont toutes construites sur le même modèle, l’architecte ne s’est pas cassé la tête : un bâtiment sur 2 niveaux avec un hall central recouvrant une réserve d’eau, les toilettes au fond et des salles de part et d’autres. Parfois on trouve aussi d’autres bâtiments pour de stockage de l’eau, le logement de fonction du chef de gare et le buffet (bon ok on extrapole un petit peu…). Les matériaux de construction changent en fonction de la géologie: à proximité d’AlUla les pierres sont du grès rose, plus au sud on passe à des basaltes noirs, voire un mélange des deux pour la déco dans les gares les plus importantes. Les bâtiments sont bien préservés et ont parfois été retapés dans les années 1960 lorsqu’un projet (non abouti) de remise en service de la voie avait vu le jour.

Il reste encore des vestiges des anciens ponts, mais ils ont été en général détruits par les crues.

Non loin de la ligne de train, on découvre également des forts abandonnés. Ils sont à priori plus anciens que la voie ferrée, dont le tracé a été choisi pour passer à leur proximité et être protégée. L’un d’entre eux a une architecture de caravansérail et un puits gigantesque. Quelle était sa fonction, mystère? Difficile de croire que c’était pour stocker de l’eau car les paroies ne sont pas enduites. Ca ressemble à une glacière telles qu’on les connait dans la Ste Baume en Provence… Si quelqu’un a une idée, on est preneur!


Il existe encore de vieilles locomotives abandonnées le long de cette voie qui disparaît petit à petit dans le désert.