La région d’Issyk Kul, le grand lac salé au nord du Kirghizstan, est riche en vestiges archéologiques. De tout temps les berges du lac ont attiré les populations. Cet immense lac crée en effet un micro-climat plus clément que dans le reste du pays. Les gravures rupestres de Cholpon Ata en sont un bon exemple. Les plus anciennes ont environ 3000 ans (âge du Bronze) et ont des ressemblances avec celles de Tamgaly au Kazakhstan et de Saïmalu Tash.
Les archéologues ont retrouvé de nombreuses stèles gravées en forme de personnages, des balbals, qui remontent à la période turque c’est à dire autour des 5-7e siècles de notre ère. On suppose qu’ils représentent des guerriers ou des ennemis. Les personnages (essentiellement des hommes) ont souvent une coupe à la main. Que contenait-elle? du vin comme supposent certains archéologues, pensant que certains personnages pourraient être des Nestoriens (Chrétiens) qui vivaient dans les cités turques musulmanes. Ou alors étaient-ils des guerriers musulmans qui buvaient du koumiss?
Un grand nombre de ces statues ont été regroupées autour de la tour Burana dans la vallée de la Chui, une drôle de rivière qui au cours du temps tantôt se jetait dans le lac Issyk Kul l’alimentant en eau douce, tantôt lui servait d’exutoire, ou comme maintenant passe simplement à proximité du lac. La tour Burana est un vestige de l’ancienne cité de Balasagun, une ville turque karakhanide florissante autour du 9e siècle, au temps de la Route de la Soie. C’est un minaret partiellement détruit par des tremblements de terre et qui a inspiré de nombreuses légendes (que vous irez lire dans notre livre hein!). Nous le visitons par temps gris malheureusement pour les photos…
Sous le niveau du lac Issyk Kul sont engloutis des vestiges de palais timourides (14e siècle), découverts en plongée par les archéologues. Nous ne les verrons bien évidemment pas mais nous profitons pleinement des rives du lac pour un beau bivouac sur une petite plage cachée, loin des infrastructures touristiques qui se développent à grand pas dans la région. Lorsque nous arrivons, une famille de kazakhes est déjà là. A peine installés, ils nous apportent deux brochettes de poulet grillé. On riposte aussitôt avec du chocolat suisse! Et le lendemain, on échangera encore des victuailles.
Sur les bords du lac, on trouve de nombreux tumulus ou kourganes, de vieilles tombes circulaires. Ces tombes sont celles de populations scythes qui vivaient dans la région il y a 1 à 3 millénaires. Certaines ont des dimensions remarquables comme celle de San Tash que l’on appelle « les pierres de Tamerlan ». La légende raconte que lors d’une campagne militaire, Tamerlan a demandé à chaque soldat de déposer une pierre avant de partir en guerre. Au retour, les soldats devait la récupérer. Les pierres restantes forment un monument en hommage aux soldats morts (mais vous l’aviez déjà lu dans notre livre non?).
A Karakol, à l’autre bout du lac Issyk Kul, se sont installées des populations dounganes. Les Dounganes sont d’origine chinoise (de l’ouest de la Chine) et de religion musulmane. Persécutés au 19e siècle, ils se sont enfuis de leur région d’origine pour s’installer au Kirghizstan sur le bord du lac Issyk Kul autour de la ville de Karakol qui était à l’époque une colonie russe. Du coup, dans cette région, cohabitent encore de vieilles mosquées de style chinois et des églises russes orthodoxe.
Pour visiter la mosquée, il faut se couvrir… alors Cécile choisit une belle cape en velours, façon Harry Potter.
Le village d’à-côté, Yrtyk, est à majoroté Doungane : 70% de ses 3000 habitants. On y rencontre Luke Lee, un prof d’Allemand à la retraite qui s’occupe du mini-musée doungane de la ville. On le trouve chez lui et il est enchanté de nous faire une visite guidée du centre culturel (le musée est ne reconstruction).
Grâce à son Allemand un peu hésitant, Laurent peut traduire à Cécile ses propos. Il nous explique l’histoire des Doungane et nous montre quelques outils et photos exposées ici. Puis il nous récite un poème – d’abord en langue doungane, très proche du chinois, puis en allemand…
Les Dounganes du 19e siècle parlaient comme les Han (et les Hui, les Chinois musulmans auxquels ils sont apparentés) le mandarin, enfin, un dialecte du Gansu. Mais comme ils ont été séparés depuis 150 ans et sous l’influence d’une majorité turcophone et russophone, leur langue est actuellement difficilement compréhensible d’un habitant de Pékin.
Puis, après une dernière démonstration de danse, un peu succincte, notre ami Luke Lee insiste pour nous faire manger du ashlan-foo, la spécialité locale, faite d’un mélange de nouilles de riz et de nouilles de blé avec des légumes. Un peu comme le traditionnel lagman, quoi. Mais on décline car le soleil en fait de même et qu’il nous faut trouver un coin de bivouac.